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Or vert de la tunisie

Vous installerez votre oliveraie? nous vous conseillons

Chères lectrices, Chers lecteurs ;

Après notre voyage à travers l’histoire de l’olivier et de l’oléiculture, sur les bords de la Méditerranée et en Tunisie, on vous invite à partir de ce troisième article à un nouveau voyage, au cœur de la science, de la technicité et de la pratique, afin de découvrir les conditions, les étapes et les mesures à prendre dans la conquête d’un jus d’olive digne de la renommée prestigieuse de son fruit, et donc de son arbre.

Contrairement à ce que la majorité peut croire, la qualité de l’huile d’olive n’est pas conditionnée par les olives produites ou les techniques d’extraction uniquement, mais bien en amont ! Elle commence dès la mise en place de l’oliveraie en elle-même. Du choix du site, de la variété, de la densité et des techniques de conduite, la qualité de l’huile en est bien dépendante.

Tout au long de cet article, nous allons connaitre les exigences de l’olivier et les mesures à prendre pour sa plantation. Des conditions édaphoclimatiques favorables aux mesures pratiques et techniques de mise en place, on va essayer de découvrir les premières choses indispensables à savoir concernant l’olivier, et les oliveraies.

I-Les exigences climatiques et agronomiques de l’Olivier :

1-Le Climat : Pourquoi la Méditerranée, et encore, pourquoi la Tunisie ?

La chaleur, le soleil et les pluviométries moyennes : ce sont les principales conditions climatiques que nécessite l’olivier pour prospérer, des conditions dont bénéficie par excellence les bords de la Méditerranée, dont la Tunisie. L’olivier s’acclimate ainsi à presque tous les étages bioclimatiques, de l’humide et subhumide, au semi-aride et même l’aride, trouvant donc sa place sur tout le territoire de notre pays, du Nord au Sud, et entre l’Est et l’Ouest.

Grâce à sa frondaison relativement légère et la cuticule relativement épaisse recouvrant ses feuilles, l’olivier se trouve apte à supporter les températures élevées de l’été ainsi que les vents desséchants du Sahara (ITAF). Ceci dit, des températures constamment supérieures à 16°C empêchent le développement des bourgeons à fleurs, entre 35 et 38°C, sa croissance végétative s'arrête et à 40°C et plus, des brûlures endommagent l'appareil foliacé et peuvent faire chuter les fruits, surtout si l'irrigation est insuffisante (COI, 2007). Mais ce que l’olivier craint le plus, ce sont les grands froids et les températures négatives qui peuvent lui être dangereuses, surtout si elles se produisent au moment de la floraison. En effet, l’arbre résiste jusqu'à -8 à -10°C en repos végétatif hivernal, mais entre 0 et 1°C, les dégâts peuvent être très importants lors la floraison, et une température de - 3 ou - 4 °C lors de la maturation peut abîmer les fruits ayant une teneur élevée en eau, avec notamment des conséquences négatives sur la qualité de l’huile extraite (article à venir).

L’olivier n’est pas exigeant en photopériodisme, mais il exige cependant une lumière abondante pour végéter et fructifier normalement, c’est ce qui explique d’ailleurs que seuls les rameaux externes de la frondaison fleurissent et fructifient.

Pour la pluviométrie, les précipitations doivent être supérieures à 300 mm et leur distribution doit permettre qu’il n’y ait pas de périodes de sécheresse supérieures à 30-45 jours ni d’inondations prolongées, si non la production risque de ne pas être économiquement rentable.

2-Le sol : Sans qu'il ne l'ait vraiment demandé, l'olivier, on aimerait bien le gâter!

Caractérisé aussi bien pour sa rusticité que pour sa longévité, l’olivier se montre apte à se développer dans des conditions de végétation tellement diversifiées, qu’il s’est même avéré être l’arbre rustique par excellence pour les conditions tunisiennes. En Tunisie, il est implanté partout, et il a même enregistré le plus grand taux de réussite par rapport à l’ensemble des nouvelles plantations arboricoles (Allalout A. et Zarrouk M., 2013).

Par contre, même si cet arbre possède des capacités exceptionnelles d’adaptation aux situations édaphiques les plus difficiles, ces dernières peuvent baisser la garde et les conditions défavorables risquent bien d’influencer la pleine expression de son génotype et affecter le bon déroulement de son cycle végétatif.

En effet, si l’on souhaite gâter nos oliviers et surtout garantir une production économiquement rentable et une qualité d’huile vraiment satisfaisante, et bien il faut leur choisir un sol qui soit adapté en termes de texture, de structure et de composition sur une profondeur d’au moins un mètre ;vu que le système radiculaire de l’olivier s’étend dans les 50 à 70 premiers cm du sol et que les racines peuvent aller jusqu’à un mètre de profondeur. En ce qui concerne la texture, les sols les plus aptes pour l’olivier sont ceux caractérisés par un équilibre entre sable, limon et argile afin de permettre une meilleure aération du terrain avec une garantie de la disponibilité de l’eau ;à condition qu’une fertilisation pertinente soit assurée pour satisfaire les exigences nutritionnelles en éléments minéraux (COI, 2007). Quant aux propriétés chimiques, l’olivier tolère un pH allant de 6.5 (seuil en dessous duquel il y a libération d’ions interchangeables d’aluminium et de manganèse toxiques pour la culture) à 8.5 (seuil au-dessus duquel il faut faire attention aux risques d'induction de carence en fer et en magnésium).

Ainsi, si cet arbre est placé dans des conditions agronomiques favorables, il se trouve en mesure d’exprimer pleinement toutes les phases de son cycle et de produire régulièrement, mais s’il ne l’est pas, on risque d’assister à un phénomène d’alternance de production.

Il faut savoir:

Adapté aux conditions édaphiques et climatiques de la Tunisie, l’olivier à huile s’étend sur la totalité des terres agricoles du pays, couvrant ainsi près de 80% des superficies arboricoles et 36% du total des superficies labourables de la Tunisie (Ministère de l’agriculture, Office national de l’huile 2016). Sur une superficie de 1.8 million d’ha, cette forêt compte 80 millions de pieds d’oliviers (dont 98% sont des oliviers à huile et dont la quasi-totalité sont de variétés Chemlali et Chetoui) réparties sur 310 milles exploitants avec 32% au Nord, 46% au Centre et 22% au Sud. Toutefois l’oliveraie tunisienne est marquée par un vieillissement (un âge moyen de plus de 75 ans) touchant plus de 25% des oliviers, concentré surtout dans les gouvernorats de Monastir, Sfax, Sousse et Mahdia (ONAGRI).

II-Ce qu’il vaut mieux choisir, et bien étudier, avant de commencer:

1-Le terrain : ça se choisi, comme ça se prépare !

L’olivier peut être cultivé dans les conditions les plus diverses, certes, mais il convient toutefois de choisir des zones présentant le moins possible de facteurs limitants et dans lesquelles l’olivier peut s’avérer compétitif en termes de gestion et de production.

Avant de procéder à la plantation, il convient d’évaluer le profil du terrain et d’analyser les horizons de sol dans lesquels la plupart du système racinaire se concentrera. Les travaux de préparation doivent être exécutés suivant l’état du terrain, la pente et la densité de plantation envisagée (COI, 2007).

Pour la pente du terrain, il est préférable qu’elle ne soit pas supérieure à 20-25 % pour permettre une bonne circulation des équipements. En tenir compte que, de 5-10 %, des phénomènes d’érosion commencent à apparaître, et qu’au-delà de 30-40 %, il faut avoir recours à des aménagements de CES (Conservation des Eaux et des sols) comme le système de terrasses (COI, 2007).

Concernant les mesures à prendre pour corriger les caractéristiques chimiques du sol, elles doivent se faire après une analyse du sol et une réflexion sur les résultats obtenus. Comme exemple, pour pallier les problèmes posés par l’acidité du sol, on pourra apporter des composés alcalins de calcium, comme du carbonate de calcium en poudre fine, de la chaux vive ou des marnes calcaires. En revanche, pour réduire le pH, on pourra recourir à l’emploi d’engrais acidifiants comme le soufre, la matière organique, le fumier ou l’engrais vert, qui solubilisent le carbonate de calcium en formant des acides organiques et de l’anhydride carbonique

2-La variété: il faut tout savoir à l’avance !

En vue de garantir une bonne production, aussi bien sur le plan quantitatif que qualitatif, il faut choisir les variétés qui s’adaptent le plus aux conditions édaphoclimatiques de notre terrain, en tenant compte aussi : du système de production ; de la vigueur, le développement et le port de l’arbre ; du mélange variétal (favoriser la pollinisation). Il convient aussi de connaître la période optimale de récolte, c’est-à-dire le moment où les fruits cueillis de l’arbre ont la quantité et la qualité maximales d’huile.

En Tunisie, les deux principaux cultivars sont Chemlali et Chétoui. Ils représentent respectivement 80% et 20% de la production tunisienne d’huile d’olive. Le cultivar Chemlali est cultivé dans le Centre et le Sud du pays, zones à faibles précipitations (<250 mm par an), alors que le cultivar Chétoui est très répandu dans le Nord, que ce soit dans les plaines ou dans les zones de montagne, à savoir Jendouba, Bizerte, Siliana et Zaghouan. 

Les autres cultivars, dits secondaires, sont caractéristiques de certaines régions. Elles incluent Ouslati ou Leguim (Kairouan et Sud de Siliana), «Chemchali» (Gafsa), «Zalmati», « Chemlali» (Zarzis), «Jarboui» (Nord-Est), «Rkhami» ou «Barouni» (Cap Bon), «Marsaline» (Zaghouan et Siliana).

Olives

Figure 1: Répartition des principales variétés d’olivier à huile en Tunisie (Gharbi et al., 2014)

3-La densité et le schéma de plantation, ça s’étudie !

Pour les zones en pluvial, la culture est essentiellement extensive associant d’une façon harmonieuse la densité des plantations à la moyenne des précipitations annuelles. Cette densité moyenne des oliveraies diminue donc à mesure que l’on descend vers le Sud et que le climat se fait plus sec :

  • 100 arbres/ha dans le Nord : domaine du subhumide et du semi-aride, avec des terres fertiles et un climat plus pluvieux (400 à 600mm et plus) - (Variété Chétoui)
  • 40–60 arbres/ha dans le centre où les précipitations sont d’environ 300–350 mm (Variété Chemlali);
  • 17–20 arbres/ha où les précipitations sont de 200–250 mm : utilisant le système d’arido-culture et des ouvrages de collecte d’eau (Variété Chemlali).

à En ce qui concerne la disposition géométrique des arbres, les solutions possibles sont: le carré, le rectangle, le système en quinconce et le quinconce équilatéral. Ceci dit, les schémas de plantation les plus efficaces et les plus diffusés sont le carré et le système en quinconce ; le rectangle n’est utilisé que dans certains cas imposés par les exigences de la mécanisation.

Olives

Figure 2: Les dispositions géométriques (Exemple d'Arbres plantés en carré, rectangle et quinconce à une même densité de 278 arbres par hectare) (Source : COI, 2007)

Pour les zones irriguées du Nord fertile ainsi que dans certaines régions les plus favorables du Centre, une culture relativement intensive ou hyper-intensive peut être installée, la densité peut y dépasser les 1000arbres/ha. Ce système fait appel à des systèmes d’irrigation et des équipements d’entretien et de récolte bien spécifiques.

A titre indicatif, pour ces exploitations intensives, le Nord de la Tunisie comprend 24 millions d’arbres occupant 230 000 ha, le Centre, 29 millions occupant 780 000 ha et le Sud, 17 millions occupant 708 000 ha (Institut de l’Olivier, 2011).

Dans tous les cas, l’écartement adopté dans chaque oliveraie doit s’ajuster le mieux au développement que l’arbre devrait atteindre en fonction de la vigueur de la variété, de la fertilité du sol, de la disponibilité en eau et des techniques de culture appliquées (COI, 2007).

III-La mise en place et les techniques d’installation:

1-Les opérations préliminaires :

Elles consistent à défricher le terrain des résidus végétaux des cultures antérieures et à effectuer un labour superficiel ou, si nécessaire, un défoncement du terrain sur une profondeur de 50 à 100mm, exécuté en été (juin-juillet), et ce dans le but d’ameublir le sol, enfouir la fumure organique et minérale de fond et favoriser un bon enracinement de jeunes plants.

Il faut aussi faire une prévision du drainage de l’eau, aussi bien en surface qu’enprofondeur et prendre les mesures nécessaires pour empêcher l’érosion, les inondations et les éboulements dangereuses pour la santé et le système racinaire de l’olivier.

Pour les adventices, si les opérations de défoncement n’ont pas permis de contrôler les plantes adventices, celles-ci devront être éliminées avec des herbicides.

Après les premières pluies de l’automne, le sol défoncé s’uniformise et les fosses de plantation peuvent être creusées.

2-La plantation :

La plantation peut se faire du mois d’Octobre à fin du mois de Mars, selon le climat. Avant d’y procéder, on effectue le piquetage en s’ajustant à la densité et aux schémas de plantation fixés. On procède au creusage des trous de plantation lorsque le sol est sec, à l’aide d’une tarière ou à la main avec une bêche, sur une largeur et une profondeur de 40 cm.

Les plants utilisés doivent être âgé de 18 à 24 mois, d’une hauteur de 1.5 à 1.8m et doivent être plantés à 5-10cm en dessous du niveau du terrain, surtout si on utilise des plants auto-racinés, et aussi tuteurés, afin de les protéger des vents dominants.

Pour les exploitations super-intensives, les oliviers seront plantés sous forme de haie, avec un écartement recommandé de 4*1.5m généralement, qui sera soutenue avec des piliers en bois placés tous les 30 mètres et un à chaque extrémité, unis entre eux par trois fils horizontaux à 0,40 ; 0,80 et 1,20 m de hauteur. Ces jeunes plants doivent faire l’objet de soins pertinents pour se maintenir à une taille qui s’avère efficace pour l’emploi de machines récolteuses et garantir un équilibre entre l’activité végétative et l’activité productive (COI, 2007).

àIl faut bien évidemment choisir une orientation Sud/Sud Est pour permettre aux oliviers de bénéficier de la meilleure insolation possible.

3-Les opérations postérieures :

Après la plantation, il est important d’effectuer un suivi attentif des plants durant les deux premières années pour obtenir un développement maximal, éviter le stress hydrique et les carences en nutriments et réaliser un contrôle phytosanitaire efficace.

 

Maintenant, qu’en est-il des techniques culturales nécessaires pour l’entretien de notre oliveraie ? Comment se fait la taille de l’olivier ? Quand, comment et combien de nutriments devrons nous apporter à notre parcelle ?  Et pour le désherbage et la protection phytosanitaire, ça se passe comment ? … Restez sur notre rubrique, vous aurez toutes les réponses !

 

Sources :

Allalout A., Zarrouk M. 2013. Culture hyper-intensive de l’olivier dans le mondeet applications en Tunisie

Bennasseur Alaoui. 2005.Référentiel pour la Conduite Technique de l'olivier (Olea europea).

Conseil Oléicole International (COI). 2007. Techniques de Production en Oléiculture.

Institut National de la Recherche Agronomique. Guide pratique pour le Conseil Agricole : La culture de l’Olivier.

ITAF. Institut Technique de l’Arboriculture Fruitière et de la Vigne :La culture de l’olivier.

author

Nesrine Abouriah

Ingénieur National en Production Agricole - Technicien Supérieur en Biotechnologie Végétale